
(Crédits photo : Unsplash - Agence Producteurs Locaux Damien Kühn )
LA VÉRIFICATION - Le candidat à la présidentielle Yannick Jadot affirme que la France est le seul pays d'Europe à subventionner davantage l'agriculture conventionnelle que biologique. Est-ce correct ?
LA VÉRIFICATION - Aux côtés de l'énergie ou de l'industrie, l'avenir de l'agriculture fait partie des questions centrales de la transition écologique. À l'occasion du débat de la primaire écologiste diffusé sur LCI mercredi soir, le candidat Yannick Jadot a déclaré que «la France est le seul pays d'Europe où un agriculteur en conventionnel touche davantage de subventions qu'un agriculteur en bio» . Une affirmation que l'eurodéputé a ensuite relayée sur son compte Twitter, donnant lieu à de vives controverses.
Est-il vrai que la France subventionne davantage ses agriculteurs conventionnels que ceux qui font le pari de l'agriculture biologique ? La France fait-elle vraiment figure de mauvais élève de l'Union européenne en termes de soutien aux producteurs agricoles bio ?
VÉRIFIONS - Les subventions publiques irriguent massivement l'agriculture française, et font même vivre certaines de ces filières. 90% des exploitations agricoles françaises perçoivent des subventions. «La grande majorité des revenus des agriculteurs français, entre 50 et 80%, provient de subventions, souligne l'économiste spécialiste de l'agriculture Xavier Hollandts. Sans ces aides, beaucoup mettraient la clé sous la porte». Les trois quarts proviennent de la Politique Agricole Commune (PAC), pour un total de 9 milliards d'euros destinés chaque année à l'agriculture française.
Deux types de subventions
«Cette enveloppe repose sur deux piliers» , comme l'explique le ministère de l'Agriculture. Le premier pilier correspond à des aides directes auquel sont éligibles toutes les agricultures, bio ou conventionnelles. «Cela représente environ 70% du budget de la PAC pour la France», détaille Cécile Détang-Dessendre, directrice scientifique adjointe de l'Institut National de Recherche Agronome (INRA). Le second pilier, les 30% restants, est composé d'aides spécifiques, «dont 15% pour développement de l'agriculture biologique» d'après l'experte. Tous les exploitants biologiques peuvent donc en bénéficier, alors que les agriculteurs « traditionnels » en sont exclus.
La prime à la conversion biologique reste la principale aide spécifique pour le bio. «Il faut trois à cinq ans pour transformer une exploitation conventionnelle en biologique et obtenir le label bio » , rappelle l'économiste Xavier Hollandts. Pendant toute cette période, les paysans doivent investir, tout en ayant des rendements plus faibles alors qu'ils ne peuvent pas encore vendre sous le label bio. Le soutien à la conversion permet ainsi de compenser ces pertes inévitables. Au-delà de la subvention à la transition vers le bio, «un crédit d'impôt spécifique existe pour les agriculteurs biologiques reconduit d'année en année, reconnaît Philippe Henry, le président de l'Agence bio qui promeut la filière. On peut aussi profiter de formation aux techniques bio dispensées par les chambres d'agriculture et les lycées agricoles».
L'agriculture biologique plus subventionnée proportionnellement
En plus des aides communes à tous les agriculteurs, ceux qui font le choix du biologique ont donc droit à un régime d'aides supplémentaires et un accompagnement technique des pouvoirs publics. Les versements de la PAC sont indexés sur la surface agricole de chaque ferme. Plus la surface est grande, plus le soutien de la PAC est conséquent. En moyenne, les agriculteurs bio ont des surfaces agricoles plus réduites qu'en conventionnel . En France, on compte 10% de surface bio.
« Le volume d'aides qu'ils perçoivent est donc plus petit en valeur absolue, précise le spécialiste de l'économie agricole Xavier Hollandts. Mais si on rapporte ces subventions au nombre d'hectares, les subventions pour l'agriculture biologique sont proportionnellement plus importantes qu'en conventionnel». Un constat appuyé par les agriculteurs : «J'ai touché 7 à 8% de subventions en plus en passant du conventionnel au bio dans le cadre de l'aide à la conversion bio» , témoigne Olivier, producteur de lait dans la Manche.
Et ce soutien au bio va encore s'amplifier dans le cadre de la PAC en vigueur à partir de 2023. L'enveloppe dédiée à la conversion biologique doit augmenter de 50% en France. S'agissant des aides communes, elles pourront même être rabotées jusqu'à 25%, particulièrement pour les exploitants « classiques » qui refusent de faire évoluer leurs méthodes vers des pratiques à « Haute valeur écologique ».
Avec sa politique de subventions agricoles, la France n'a rien d'un cancre européen. «La France n'est pas la meilleure, mais elle soutient sa filière bio. On ne peut pas dire le contraire» , tranche Philippe Henry de l'Agence bio. « Il y a mieux que la France, comme l'Autriche, mais il y a aussi pire comme l'Espagne qui ne subventionne que pour exporter à prix bas », appuie Xavier Hollandts.
Au-delà de ce constat, « il n'existe pas d'étude officielle récente de la Commission comparant l'ensemble des pays européen et le niveau effectif des aides conventionnel versus le bio sur la base de la PAC », regrette Pekka Pesonen, secrétaire générale du syndicat des agriculteurs européens. En cause, les grandes disparités entre régions européennes qui ne rendent pas les régimes de subventions comparables, puisque ces dernières dépendent à la fois de l'UE, des États et des régions comme les Länder en Allemagne.
En résumé, les agriculteurs bio français perçoivent davantage de subventions par hectare exploité que les agriculteurs « conventionnels ». Ces subventions vont encore augmenter à compter de 2023 dans le cadre de la nouvelle PAC, assorties de pénalités pour les exploitations conventionnelles qui ne font pas évoluer leurs techniques agricoles vers les pratiques dites à « Haute Valeur Environnementale ».
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